Le fonctionnement des marchés internationaux et la gestion de l'entreprise - PASTEL - Thèses en ligne de ParisTech Accéder directement au contenu
Thèse Année : 1979

Le fonctionnement des marchés internationaux et la gestion de l'entreprise

Résumé

cf thèse
L'objet de cette étude est d'analyser le fonctionnement des marchés internationaux et les répercussions de ce fonctionnement sur la gestion de l'entreprise. Dans un chapitre introductif, l'actualité du sujet est soulignée: depuis 1973, avec l'abandon du système des parités fixes, le fonctionnement des marchés financiers internationaux a été particulièrement chaotique. L'adoption d'un système de cours de changes flottants qui devait favoriser une allocation rationnelle des ressources au niveau international, a eu comme résultat le plus visible, l'apparition de variations de grande ampleur des cours de change à intervalles très rapprochés. Une telle modification de l'environnement international n'a pas été sans conséquences sur la gestion des entreprises; dans certaines conditions, en effet, il est apparu que les variations des cours de change ont pu modifier les résultats engendrés par l'activité des entreprises. Ces variations étant de plus en plus fréquentes, une sensibilité nouvelle s'est développée au sein des entreprises face à leurs répercussions possibles, et à la façon de les contrôler; ces variations n'étant plus le résultat de décisions politiques, mais le fruit du fonctionnement des marchés, il est apparu progressivement qu'une bonne compréhension de ce fonctionnement était nécessaire avant qu'il soit possible de définir une stratégie de l'entreprise à l'égard du cheminement des cours de change. L'idée que la compréhension du fonctionnement des marchés est nécessaire, non seulement à la connaissance économique, mais également à l'élaboration d'une stratégie d'entreprise peut sembler presque évidente dans un monde où les mécanismes de marché deviennent prépondérants. En ce qui concerne l'élaboration d'une stratégie à l'égard des variations des cours de change, il semble qu'une telle idée est valide dans la mesure où au moins l'une des deux conditions suivantes est réalisée: d'une part, si les prévisions effectuées par le gestionnaire sont dépendantes de la compréhension qu'il a du fonctionnement des marchés; d'autre part, si cette compréhension lui permet de mieux évaluer l'impact sur la valeur de l'entreprise d'une variation des cours de change. A priori, l'élaboration de prévisions des cours de change peut se fonder ou non sur une compréhension des fonctionnements des marchés. Au niveau de chaque agent économique, une prévision peut être effectuée, fondée sur une appréciation subjective (même si elle utilise des méthodes scientifiques) de la distribution de probabilité des cours futurs. Dans certains cas, cette appréciation est réduite à sa plus simple expression: la formulation d'un cours anticipé. Parfois s'ajoute à cette anticipation la prise en compte du risque associé à la forme de la distribution. En aucun cas, bien entendu, la prévision ne peut être assurée de coïncider avec la réalité: d'une part, parce qu'il existe objectivement, en raison de l'incertitude sur le futur, un risque de se tromper; d'autre part, parce que le caractère subjectif des prévisions effectuées augmente ce risque en proportion des capacités prédictives individuelles. Sans qu'il soit possible d'éliminer ce risque subjectif, il peut néanmoins paraître utile de l' "objectiviser", en fondant les prévisions sur une base plus large que l'appréciation individuelle d'un agent économique: une telle base peut être constituée par les anticipations de l'ensemble des agents économiques, telles qu'elles sont susceptibles d'être reflétées par les prix du marché. Une telle démarche nous ramène à l'étude du fonctionnement des marchés internationaux, et en particulier à celle des liens qui peuvent exister entre le mode de fixation des prix et les anticipations des agents économiques. De même, l'appréciation de l'impact des variations de cours de change sur la valeur de l'entreprise peut apparaître, au premier abord, comme étant dissociée de l'étude du fonctionnement des marchés internationaux. Une telle conception semble d'ailleurs justifiée par l'existence de règles permettant de déterminer cet impact, règles dont les fondements reposent sur les principes généraux de la comptabilité. Il apparaît cependant que les principes comptables ne permettent pas de définir une règle unique et incontestée permettant de mesurer l'exposition de l'entreprise à une variation du cours de change. D'autre part, quand bien même une telle règle existerait, elle ne permettrait d'apprécier l'impact des variations de change que sur la valeur comptable de l'entreprise, non sur sa valeur économique. Pour évaluer l'impact sur cette dernière, il convient de prendre en compte les liens existant entre les cours de changes et les prix des biens et services produits et utilisés par l'entreprise. Une telle reformulation du problème nous ramène une fois de plus à l'étude des marchés internationaux, et en particulier à l'examen des rapports entre les marchés financiers et les marchés de biens et de facteurs. Il apparaît, par conséquent, que l'étude du fonctionnement des marchés internationaux est le point de passage obligé de toute réflexion s'efforçant de définir les conditions d'une adaptation de la gestion de l'entreprise au cheminement du cours de change. C'est à cette étude que s'attache cette thèse, dans une première partie à un niveau global, en analysant l'impact du fonctionnement des marchés internationaux sur la valeur de la firme à la lumière de la littérature existante, puis en s'efforçant, dans une deuxième partie, d'étendre l'analyse au problème particulier du choix d'un horizon de gestion, à la lumière d'une étude théorique et empirique originale de la structure des primes de change à terme. Le premier chapitre aborde l'analyse de l'impact d'une variation de change sur la valeur de la firme en partant des pratiques actuelles de calcul de "l'exposition comptable" de l'entreprise, avant de passer en revue diverses méthodes proposées pour appréhender une "exposition économique" de l'entreprise. L'exposition de l'entreprise est définie comme l'élasticité de la valeur de l'entreprise par rapport à une variation du cours de change. Selon l'approche comptable traditionnelle, une entreprise est exposée à la variation du cours de change, dans la mesure où certains postes en devises du bilan sont exposés. Lorsque le cours de change, par rapport à la devise de référence, varie d'un certain pourcentage, la valeur en devise de référence de ces postes varie d'un pourcentage identique, provoquant par là même une variation de la situation nette du bilan. Un problème surgit cependant du fait qu'aucun principe comptable ne permet de définir quels postes en devises sont exposés. Aussi plusieurs méthodes coexistent-elles: la première, considérant que tous les postes en devises du bilan sont exposés, - la deuxième, que seuls les postes à court terme le sont, - enfin, la troisième, attribuant cette qualité aux seuls postes monétaires du bilan. Si le choix entre les diverses méthodes ne peut être fondé sur des principes comptables, on s'aperçoit en revanche, qu'il est possible de discriminer entre les diverses méthodes en fonction d'une analyse économique. En particulier, la deuxième méthode semble n'être pas sans rapport avec une analyse "keynesionne" du comportement du cours de change, ce dernier étant considéré comme imprévisible à court terme, mais devant se rapprocher d'un cours "normal" à long terme. De même, la troisième méthode, adoptée par l'ordre des experts-comptables américains, semble reposer à la fois sur le caractère imprévisible du cheminement du cours de change, et sur la conviction que ce caractère ne saurait modifier la valeur en monnaie de référence des éléments réels du bilan, dans la mesure où ceux-ci se réévaluent en proportion de la variation du cours de change. Ainsi, des arrières-pensées économiques ne sont pas absentes des définitions de l'exposition comptable de l'entreprise. Certains auteurs ont voulu aller plus loin en donnant des définitions économiques à l'exposition de l'entreprise. Le premier, LIETAER (1971) se borne à apporter certaines retouches à l'approche comptable, en introduisant entre les postes exposés et non exposés du bilan, des postes dont la valeur a, par rapport à une variation de change, une élasticité différente de un. D'autres, (DUFEY 1972, SHAPIRO 1975), étendent cette idée d'élasticités différenciées à l'ensemble des flux de liquidité engendrées par l'entreprise. HECKERMAN (1972) formalise cette dernière conception en élaborant un "bilan économique" à partir des flux de liquidités futurs actualisés de l'entreprise, et en étudiant les répercussions d'une variation de change sur ce bilan. Cependant, le modèle d'HECKERMAN est peu clair, en ce qu'il fait dépendre l'impact de cette variation de change de la variation de valeur d'un actif intangible dont l'existence apparait justifiée par la nécessité de maintenir en permanence un levier financier déterminé. Si l'on admet cette contrainte contestable, on peut néanmoins montrer que lorsque la variation du cours de change a un caractère purement monétaire, la valeur de l'entreprise ne change pas. Cette conclusion, inaperçue par HECKERMAN, n'est pas sans rapport avec certaines conclusions ultérieures de cette thèse. Néanmoins, elle ne peut ici être obtenue qu'en raison d'hypothèses très fortes et contestables du modèle, que les chapitres suivants s'efforcent de lever. Dans les chapitres II et III, une approche semblable à celle de HECKERMAN est développée, mais le cadre conceptuel est différent. Comme dans le modèle d'HECKERMAN, un effort est fait pour distinguer les conséquences sur la valeur des flux de liquidité futurs d'une variation du cours de change, en distinguant les activités réelles et financières de l'entreprise. Une entreprise dont les flux de liquidité sont en devises, sera considérée comme exposée, non pas si la variation du cours de change modifie sa valeur au cours du temps, mais si cette modification est différente de celle d'une entreprise identique ayant uniquement des flux de liquidité en monnaie domestique. Il s'agit en effet d'appréhender l'influence spécifique de la dénomination en devise des flux concernés, et non un autre phénomène économique qui modifierait simultanément la valeur de toutes les entreprises. De même, afin de vérifier qu'une variation de change est susceptible en soi d'avoir un impact sur la valeur de ces flux, l'analyse est menée dans le cadre de marchés internationaux parfaits. Ne sont donc pas abordés les effets pouvant résulter des opportunités d'arbitrage qu'offrent éventuellement les imperfections des marchés. Enfin, une distinction est faite entre les effets susceptibles d'être produits par la variabilité du cours du change, et par l'incertitude sur cette variabilité. Pour cela, une hypothèse un peu artificielle est utilisée dans le chapitre II : celle de la connaissance parfaite du futur. Cette hypothèse est relâchée dans le chapitre III. En univers de certitude, un raisonnement d'arbitrage intuitif permet d'établir, à la suite de nombreux auteurs, la validité d'un certain nombre de relations d'équilibre. Ces relations peuvent être classées en deux catégories : celles qui résultent d'un arbitrage en termes nominaux, - et celles qui résultent d'un arbitrage en termes réels. Les premières sont la loi du prix unique, la relation de parité des taux d'intérêt, la relation de "FISHER Open" entre la variation du cours de change et le différentiel d'intérêt, et la relation des anticipations sur les rapports entre cours à terme et cours futur. Les secondes sont la relation d'unicité du taux réel sur un bien, la relation entre ce taux réel et le taux d'inflation sur ce bien, enfin la relation de Fisher en économie fermée entre taux réel et taux d'inflation sur un panier de biens. Dans la mesure où ces relations sont valides, en particulier en ce qui concerne la loi du prix unique et la relation de "FISHER Open", il est facile de montrer qu'une variation (certaine) du cours du change ne modifie pas la valeur des flux réels ou financiers en devises, par rapport à des flux libellés en monnaie domestique. Il convient de remarquer que cette absence d'exposition à la variation du cours de change n'est nullement la conséquence de la parité des pouvoirs d'achats (CASSEL 1923), laquelle, même en univers de certitude, ne saurait résulter d'un simple phénomène d'arbitrage, mais constitue une théorie de propagation de l'inflation. Une telle remarque nous amène à critiquer les conceptions d'ALIBER (1976) quant aux relations d'équilibre sur les marchés internationaux. En univers d'incertitude, des quatre relations monétaires mentionnées précédemment, seules la loi du prix unique et la relation de parité des taux d'intérêt restent valides. Des homologues de la relation des anticipations sur les rapports entre cours à terme et cours futur, et de la relation de "FISHER Open", peuvent être proposés, mais ce sont des relations d'arbitrage spéculatif faisant apparaître une prime de risque. De même, des trois relations réelles, seule reste valide la relation d'unicité du taux réel sur un bien. De cette modification de ces relations d'équilibre résulte un certain nombre de conséquences quant à l'exposition de l'entreprise. Tout d'abord il est montré que les flux réels ont un impact identique sur la valeur de l'entreprise lorsqu'ils sont libellés en devises ou en monnaie domestique, que la variation du cours du change soit égale à celle anticipée ou non. En revanche, toute tentative pour couvrir les flux réels en devises par un contrat de change à terme serait susceptible de modifier la valeur anticipée de ces flux, dans la mesure où la prime de risque incluse dans le cours à terme existe. Même si une telle prime de risque n'existait pas, la valeur de ces flux réels pourrait être modifiée à posteriori si la variation de change effective est différente de la variation anticipée. Au contraire, du fait de la non validité en présence d'incertitude de la relation de "FISHER Closed" (contra ALIBER 1976) la valeur anticipée des flux financiers en devises non couverts est susceptible d'être différente de la valeur des flux financiers en monnaie domestique s'il existe une prime de risque incluse dans le cours à terme. Il en va de même pour la valeur à posteriori des flux financiers en devises lorsque la variation de change effective est différente de la variation anticipée. La couverture des flux financiers en devises futurs permet d'égaliser la valeur de ces flux avec celle de flux en monnaie domestiques. Ainsi, c'est bien l'incertitude, et non pas la seule variabilité des cours de change, qui est à l'origine de l'exposition de l'entreprise. Encore faut-il souligner que cette exposition est la conséquence des seuls flux financiers en devises, à l'exclusion des flux réels. Enfin, cette exposition est susceptible de se matérialiser par une variation de la valeur de l'entreprise, non seulement dans le cas où la variation de change effective est différente de la variation anticipée, mais également lorsque cette dernière se réalise, s'il existe une prime de risque incluse dans le cours de change à terme. Ce résultat est confirmé et étendu aux primes de risques incluses dans les cours de change à terme futurs lorsque l'on introduit les délais de paiements liés aux ventes à tempérament, et que l'on prend en considération la possibilité de différer le rapatriement des bénéfices réalisés à l'étranger. Ces conclusions reposent sur un raisonnement intuitif quant au comportement d'agents confrontés à des opportunités d'arbitrage et de spéculation sur des marchés des biens et sur des marchés financiers supposés être parfaits. Elles permettent de préciser la notion d' "exposition à la variation de change" dans un sens étonnamment proche de la conception des experts comptables américains. Elles doivent cependant, pour être retenues, être soumises à une double vérification, tant théorique que pratique. Sur le plan théorique, le chapitre IV a fourni l'occasion de confronter les résultats du raisonnement intuitif d'arbitrage avec ceux qui découlent des modèles théoriques d'équilibre général ou partiel des marchés internationaux. Ces modèles permettent de déterminer la forme des relations d'équilibre en fonction d'hypothèses spécifiques sur les préférences des consommateurs, et sur les ensembles d'opportunités auxquels ceux-ci sont confrontés. Les deux principaux modèles théoriques existant sont ceux de SOLNIK (1973, 1974) et de GRAUER, LITZENBERGER et STEHLE (G.L.S., 1976). Tous deux définissent les conditions de l'équilibre sur les marchés internationaux dans les mêmes termes : celui-ci est le produit du comportement de consommateurs qui répartissent leur richesse entre consommation présente et investissement, en maximisant l'espérance d'utilité de leur consommation présente et future. En revanche, les ensembles d'opportunités auxquels sont confrontés les individus, sont légèrement différents. L'investissement peut, dans les deux modèles être réparti entre l'actif sans risque domestique, les actifs sans risque étrangers, et les actifs risqués domestiques et étrangers, mais la consommation des individus varie selon leur nationalité pour SOLNIK, alors que pour G.L.S. les individus consomment un panier réel identique: seul le taux d'inflation (aléatoire) associé à ce panier est différent selon les pays. Il apparaît rapidement que la qualité de l'équilibre est affectée par cette hypothèse au niveau du panier de consommation. L'hypothèse de SOLNIK introduit un risque de change réel, lié à l'incertitude sur les prix relatifs des paniers nationaux, qui modifie les conclusions habituelles du Modèle d'équilibre des actifs financiers (MEDAF) (SHARPE 1964), et amène à reformuler ce dernier sous une forme originale. En revanche, chez G.L.S., le risque de change est une variable purement monétaire, lié à l'incertitude sur les différentiels d'inflation nationale, et ne modifie nullement la formulation traditionnelle du MEDAF tant que les individus ne sont pas victimes de l'illusion monétaire. Ces différences quant à la qualité de l'équilibre obtenu, ne sont pas sans influence sur la formulation des relations d'équilibre proposées dans les chapitres II et III. Sur le plan formel, les deux modèles montrent que le cours à terme reflète bien les anticipations sur le cours futur, mais de façon biaisée, du fait de l'existence d'une prime de risque qui rémunère les spéculateurs pour la position ouverte qu'ils acceptent de supporter. C'est la confirmation du résultat intuitif déjà obtenu, dont l'importance pour l'exposition de l'entreprise est cruciale. Cependant, la structure de cette prime de risque diffère selon les modèles. SOLNIK montre que la prime dépend de la covariance entre le cours de change considéré et les cours de toutes les autres devises. Le résultat de G.L.S. a une formulation beaucoup plus complexe, dont les auteurs ne précisent pas la signification économique. Il est possible de montrer que cette prime dépend essentiellement des effets réels des politiques monétaires nationales sur la richesse mondiale. En l'absence d'illusion monétaire, une prime de risque marginale subsiste, liée à l'incertitude sur le différentiel d'inflation. Cette prime est cependant virtuelle, car si les individus raisonnent en termes réels, ils ne souscriront aucun contrat de change à terme. En effet, dès lors que la parité des pouvoirs d'achat est vérifiée, le rendement réel d'un actif financier est indépendant de la devise dans laquelle il est libellé. En ce qui concerne les autres relations d'équilibre abordées dans les premiers chapitres, SOLNIK (1977) en donne une formulation complète et différenciée selon qu'il existe ou non des marchés à terme de marchandises. Les résultats valident et précisent ceux qui avaient été obtenus à l'aide d'un raisonnement intuitif d'arbitrage. En particulier, la relation de parité des taux d'intérêt apparaît chez lui comme chez G.L.S. découler automatiquement des modèles théoriques. Cette conclusion est contestée par ADLER et DUMAS (1975), qui montrent que cette relation n'est pas vérifiée lorsqu'existe un risque politique. Ceux-ci utilisent pour leur démonstration une fonction d'utilité quadratique. Leur démonstration est ici reprise et élargie; leurs résultats concernant la parité des taux d'intérêt restent valides quelle que soit la fonction d'utilité. Néanmoins ces résultats supposent des hypothèses très fortes, généralement incohérentes avec les conditions habituelles du fonctionnement des marchés. De même, un modèle de BARON (1976) valide la relation de parité des taux d'intérêt. Le modèle est intéressant en ce qu'il s'efforce d'intégrer les conditions macroéconomiques de l'équilibre et leur répercussion sur l'exposition de l'entreprise. Cependant, l'excessive simplicité des hypothèses de départ retire au modèle une grande partie de son intérêt. Ainsi l'étude des modèles théoriques d'équilibre permet de préciser et de nuancer certaines conclusions développées dans les chapitres II et III. Les principales relations d'équilibre sur lesquelles repose le calcul de l'exposition de l'entreprise, ont bien la forme qui avait été prédite. En particulier, la parité des taux d'intérêt reste valide en présence de l'incertitude, tandis que le cours à terme est bien égal à l'espérance du cours futur majoré d'une prime de risque. Cependant la portée pratique de cette prime de risque dépend de la validité d'une troisième relation : celle de parité des pouvoirs d'achats. Dans la mesure où celle-ci serait vérifiée, le risque de change relèverait de la pure illusion monétaire. Dans le cas contraire, cette prime rémunèrerait un risque réel, susceptible de modifier la valeur des flux financiers en devises. Ces conclusions des modèles théoriques doivent maintenant être confrontées avec les enseignements tirés du monde réel. L'objectif du chapitre V est double: vérifier, à la lumière de la littérature existante, la robustesse des deux principales relations d'équilibre sur lesquelles repose l'analyse théorique de l'exposition de l'entreprise; discriminer, en fonction des vérifications empiriques de la parité des pouvoirs d'achat, entre les deux modèles théoriques d'équilibre sur les marchés internationaux. La relation de parité des taux d'intérêts a été testée empiriquement par un certain nombre d'auteurs. Les résultats peuvent être résumés par deux propositions. Tout d'abord, si l'on adopte comme prédicteur de la prime de change à terme le différentiel d'intérêt calculé sur les dépôts en eurodevises, l'erreur prédictive moyenne n'est pas significativement différente de zéro; le résultat est sensiblement moins satisfaisant lorsque le prédicteur utilisé est le différentiel d'intérêt sur Bons du Trésor domestiques (ALIBER 1973). D'autre part, si l'on considère les coûts de transactions qu'engendrerait une opération d'arbitrage visant à profiter d'un différentiel d'intérêt couvert non nul, il apparaît que ce différentiel d'intérêt est inférieur aux coûts de transactions dans 100 % des cas, lorsqu'on le calcule par rapport aux euro dépôts, et seulement dans 33 à 100 % des cas selon les périodes lorsqu'on le calcule par rapport aux bons du Trésor (FRANFEL et LEVICH 1975). Si l'on tient compte des inévitables erreurs sur les variables liées à la difficulté d'obtenir des données parfaitement concomitantes, on peut donc considérer que sur les devises et pour les périodes ayant fait l'objet du test, la parité des taux d'intérêts a été largement vérifiée. Les tests de la relation des anticipations sur les liens entre cours à terme et cours futur répondent à la volonté de répondre à une double question : le cours à terme est-il un bon prédicteur du cours futur? La prédiction fournie par le cours à terme comporte-t-elle un biais, représentatif d'une éventuelle prime de risque. Sans entrer dans le détail des tests pratiqués, la réponse à la première question s'articule autour de trois idées. Le niveau du cours à terme apparait généralement comme un bon prédicteur du niveau du cours futur : cela tient essentiellement au fait que sur courte période, l'ampleur des fluctuations est relativement modérée par rapport au niveau des cours de change. En revanche la prime de change à terme est un prédicteur médiocre du niveau de la variation de change, même si elle semble prévoir avec une efficacité relative le sens de cette variation. Enfin, bien que la prime de change soit un médiocre prédicteur, ses performances ne sont pas plus mauvaises que d'autres prédicteurs, en particulier ceux fondés sur des modèles autorégressifs. Ce dernier résultat souligne cependant la difficulté de la prévision plus que l'efficacité de l'un quelconque des prédicteurs. La réponse à la deuxième question semble devoir comporter deux éléments. Sur longue période, la plupart des auteurs montrent que le cours de change futur n'est pas significativement différent du cours de change à terme: il n'existerait donc pas de biais moyen, représentatif d'une prime de risque stable quant à son ampleur et à son signe. En revanche une étude approfondie par ROLL et SOLNIK (1975), confortée par une lecture fine des tests pratiqués par d'autres auteurs (KOLHAGEN 1974) semble confirmer l'existence d'un biais instable, représentatif d'une prime de risque dont le signe et l'ampleur peuvent varier d'une période à l'autre. Enfin, l'analyse de la littérature consacrée à la parité des pouvoirs d'achat permet de discriminer entre les deux modèles théoriques. En effet, la parité des pouvoirs d'achat semble assez largement vérifiée dans deux cas: Si l'on compare le différentiel d'inflation à la variation de change sur une très longue période, ou si les indices de prix utilisés sont ceux des prix de gros. En revanche, à court terme, si les indices de prix utilisés sont ceux des prix de détail, la parité des pouvoirs d'achats n'est pas vérifiée; bien plus, l'erreur prédictive constatée ne permet pas d'inférer les variations ultérieures du cours de change. Par conséquent, au moins à court terme, il semble bien que ce soit le modèle de SOLNIK (1973, 1974) qui soit validé empiriquement, dans la mesure où les bons résultats obtenus avec les indices de prix de gros reflètent plus la validité de la loi du prix unique que celle de la parité des pouvoirs d'achat au sens classique du terme. Ainsi l'analyse critique développée dans cette première partie, à la fois sur le plan théorique et sur le plan empirique, de la littérature sur les marchés internationaux permet de formuler deux conclusions importantes. D'une part, en ce qui concerne la mesure de l'exposition de l'entreprise, celle-ci dépend uniquement de l'existence de flux financiers en devises; elle est proportionnelle, pour chaque maturité, à la prime de risque incluse dans le cours à terme, en ce qui concerne l'exposition anticipée, et à l'écart entre ce cours et le cours au comptant réalisé, en ce qui concerne l'exposition au risque de change. D'autre part, au niveau des stratégies envisageables, l'analyse des marchés internationaux ne fournit pas, ainsi qu'il est observé au chapitre VI, les bases théoriques d'un choix entre ces stratégies. Un tel choix ne peut résulter que d'une théorie de l'entreprise, en tant qu'intermédiaire entre les individus et les marchés. Elle fournit en revanche des indications sur les conséquences de certaines stratégies. Il apparait notamment que la couverture systématique des flux financiers permet d'éliminer totalement l'exposition de l'entreprise, tandis que l'acceptation d'un certain degré de risque s'accompagne, du fait des effets positifs de l'exposition anticipée, d'une amélioration de la rentabilité anticipée. La richesse de l'analyse des marchés internationaux n'est cependant pas épuisée par les résultats obtenus dans la première partie. Cette analyse peut en effet être poursuivie et approfondie, de façon à examiner les conséquences du fonctionnement des marchés sur les stratégies que l'entreprise peut adopter dans le choix d'un horizon de gestion. Dans les chapitres précédents, le raisonnement théorique et les vérifications empiriques ont été menés comme si le temps pouvait être divisé en deux périodes : le présent et le futur. Un effort est mené dans les chapitres VII et VIII pour élargir ce cadre d'analyse et réexaminer les résultats obtenus lorsque le futur comporte lui-même plusieurs horizons. Dans le chapitre VII, un modèle théorique est développé, qui reprend la plupart des hypothèses de celui de SOLNIK (1977), mais qui considère que les agents économiques maximisent l'espérance d'utilité de leur consommation présente et future sur trois périodes. Les principales relations d'équilibre établies aux chapitres III et V sont réexaminées à la lumière de ce modèle. Les résultats sont formellement identiques à ceux déjà obtenus, si l'on considère les relations entre la période présente et l'une ou l'autre des deux périodes futures. En particulier, la relation de FISHER en économie fermée, la relation de "FISHER Open", la relation de parité des pouvoirs d'achat et la relation entre cours à terme et cours futur ont une formulation différente en univers incertain de celle qui prévaut en univers certain. En revanche, si l'on considère les rapports entre les deux périodes futures, les relations précédentes ont une formulation identique à celle qui prévaut en univers certain. En particulier le cours de change à terme futur ne commande à priori aucune prime par rapport au cours au comptant pour la maturité considérée. Un tel résultat, surprenant au premier abord, est cependant logique: pour un investisseur à l'instant t, il n'est pas moins risqué de spéculer sur la valeur du cours à terme au t + 1 que sur celle du cours au comptant en t + 2. Enfin le modèle théorique permet de spécifier une nouvelle relation d'équilibre: celle, traditionnelle, de la structure des taux d'intérêt. Il apparaît que les taux longs comportent une prime par rapport aux taux courts anticipés, si l'utilité marginale de la dépense en deuxième période n'est pas indépendante du rapport des utilités marginales de la dépense en deuxième et troisième période. A contrario, si l'achat d'un panier de consommation supplémentaire donne la même satisfaction en périodes deux et trois, la structure des taux d'intérêt sur cet horizon sera sans biais. En revanche le modèle théorique ne permet pas de définir une structure maturité des primes de change à terme. En effet, un effort pour préciser la structure de la prime de risque selon la maturité a été tenté, en utilisant une fonction d'utilité particulière. Le résultat ne permet pas d'établir un lien entre les primes de risque selon les maturités. En revanche, il permet pour chaque maturité de montrer que la prime de risque sur une devise particulière est égale au produit de la prime de risque du marché par un coefficient de volatilité. Ainsi retrouve-t-on au niveau de chaque maturité un résultat traditionnel de la théorie financière moderne. Un tel résultat permet d'apprécier pour chaque devise et chaque maturité, la façon selon laquelle une position spéculative est rémunérée par rapport à une position bien diversifiée. Il ne permet pas, en revanche, de comparer l'intérêt de positions dans une même devise pour deux maturités différentes. L'étude empirique entreprise dans le chapitre VIII s'efforce à la fois de vérifier la validité du modèle théorique, et de suppléer à ses silences en ce qui concerne les rapports entre les diverses maturités. Un test du modèle théorique de marché est effectué par la régression des primes de risque individuelles pour diverses maturités sur un indice de marché naïf égal à la somme pondérée des primes de risque sur quatre devises. Le test fait apparaitre des coefficients de détermination relativement élevés, entre 50 et 30 %. Les coefficients de volatilité ne sont pas très différenciés entre les devises, et restent relativement stables pour des maturités différentes. L'étude fait cependant apparaître un rôle particulier du Franc suisse, qui commande une prime constante par rapport à toutes les autres devises. Lorsque le Franc suisse est pris comme base, on obtient une différenciation importante entre les devises, le dollar apparaissant très volatile, le deutsche mark très peu volatile, surtout pour les plus courtes maturités. Quant à la prime de risque moyenne du marché, elle semble augmenter proportionnellement à l'horizon choisi. L'étude empirique s'efforce ensuite de différencier entre les maturités, en ce qui concerne .la capacité prédictive des individus d'abord, puis en ce qui concerne les relations entre cours au comptant et à terme. En ce qui concerne la capacité prédictive des individus une étude ponctuelle a été réalisée auprès de treize cambistes parisiens sur leurs prévisions des cours du dollar et du mark pour diverses maturités. Cette enquête révèle une très grande homogénéité des prévisions, un très faible écart entre les cours à terme et les prévisions, et un très fort écart entre prévisions et réalisations. Cependant, l'écart est relativement moindre pour les maturités moyennes (2 ou 3 mois) que pour les courtes ou longues maturités. Enfin, les relations entre cours à terme et au comptant sont examinées. La capacité prédictive du cours à terme à l'égard du cours au comptant futur apparaît comme très faible et peu différenciée selon la maturité. Le dollar occupe une place particulière dans la mesure où ses variations semblent avoir fait l'objet d'erreurs systématiques de prévision. D'autre part, un effort est fait pour appréhender les relations entre cours à terme de maturités différentes. Les résultats de cet effort sont mitigés. En effet, la structure des cours à terme apparaît comme un mauvais prédicteur de la variation future du cours de change. En revanche, la capacité prédictive de la structure des cours à terme à l'égard de la prime de change future apparaît assez importante. De plus, cette capacité est assez différenciée selon les devises et l'horizon considéré. Dans le cas du Franc français cette différence est suffisamment sensible pour suggérer la possibilité d'une stratégie de spéculation dans un sens déterminé. Ainsi l'analyse théorique et pratique de la structure des primes de change à terme permet de compléter les résultats obtenus dans la première partie. Le fait que la structure horizontale des primes de risque obéit à la logique d'un modèle de marché pour chaque maturité semble une conclusion importante. Il implique qu'une entreprise souhaitant conserver une position ouverte en maximisant la rémunération de son risque doit conserver une position diversifiée en devises, maturité par maturité. Les résultats empiriques indiquent d'autre part que le risque encouru est proportionnel à l'éloignement de l'horizon. Ils suggèrent en revanche, sur la base d'une étude ponctuelle, qu'il pourrait exister un horizon de prévision privilégié. Enfin, ils semblent ne pas exclure la possibilité de définir des stratégies naïves de spéculation, en fonction d'une certaine rigidité de fait de la structure des primes de change à terme. Néanmoins certains résultats empiriques restent peu satisfaisants. Ils indiquent que des progrès restent à faire dans la compréhension du comportement des agents sur le marché des changes. En particulier une analyse plus fine des séries statistiques paraît souhaitable, en même temps qu'il conviendrait de préciser l'impact vraisemblable des imperfections des marchés.
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Antoine Hyafil. Le fonctionnement des marchés internationaux et la gestion de l'entreprise. Economies et finances. Université d'Orléans, 1979. Français. ⟨NNT : 1979ORLE0503⟩. ⟨pastel-00995993⟩
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